Une inspiration puisée dans plusieurs albums
Flânant au hasard des allées d’une brocante, en compagnie de son fidèle compagnon Milou, le jeune reporter belge Tintin va être attiré par une superbe maquette d’un ancien trois-mâts : la Licorne. Sous le charme, Tintin achète immédiatement la pièce de collection, mais est rapidement abordé par plusieurs individus qui tous souhaitent acquérir, au prix fort si nécessaire, le bateau tout juste acheté. Cependant, entendant bien conserver sa nouvelle acquisition, le jeune homme refuse tous les offres et ramène sa trouvaille à son appartement.
Mais les mystérieux individus qui en ont après la Licorne ne vont pas baisser les bras aussi facilement, et Tintin est victime coup sur coup de deux cambriolages qui voient le précieux bateau dérobé, avant qu’un agent d’Interpol venu le prévenu des risques qu’il encourt ne soit abattu juste devant sa porte. Et c’est finalement d’un kidnapping, que ne pourront empêcher ses amis Dupont et Dupond, que sera victime notre héros. Captif dans les cales du cargo le Karaboudjan, Tintin découvre que son ravisseur n’est autre qu’Ivanovich Sakharine, récent acquéreur du château de Moulinsart ainsi que d’une copie conforme de la Licorne que possède le reporter.
Comprenant peu à peu les enjeux qui motivent son geôlier, Tintin va se laisser entraîner sur la piste d’un fabuleux trésor. Dans cette aventure il va pouvoir compter sur l’aide du capitaine du navire, Haddock, ivrogne invétéré lui aussi captif de Sakharine. Ensemble ils vont se lancer à bras-le-corps dans une chasse au trésor haletante, guidés par une énigme vieille de plusieurs siècles pour retrouver avant leur ennemi le trésor de l’ancêtre du capitaine : François de Haddock, corsaire du roi et propriétaire de la Licorne originelle.
Un chef d’oeuvre visuel, à cent lieux du style Pixar
Autant l’avouer tout de suite, si j’avais eu à choisir une bande dessinée franco-belge à adapter pour le cinéma, le nom de Tintin ne serait pas celui qui me serait venu à l’esprit spontanément. Si les aventures du reporter à la houppette m’évoquent d’agréables souvenirs d’enfance, le trait classique d’Hergé et le côté boy-scout des albums peut paraître aujourd’hui un peu démodé. Malgré des visuels alléchants, je subodorais donc soit une ambiance insipide et un film terne, soit une adaptation sauvage saccageant joyeusement l’œuvre d’origine. Heureuse surprise, monsieur Spielberg a su pendant les 1 heure 47 que durent son film me démontrer avec brio que je me fourvoyais complètement.
Dès le départ, veillant à rassurer les fans inconditionnels d’Hergé et les défenseurs puritains du célèbre reporter, on prend garde à bien associer Hergé au film, en lui faisant réaliser un caméo dans la peau d’un caricaturiste croquant Tintin sur une brocante belge. Et il faut l’avouer, le film saura faire honneur à l’esprit de l’auteur, lui qui, de son vivant, a tenté à de multiples reprises d’intéresser le cinéma américain, notamment Walt Disney. Malheureusement pour lui, Spielberg n’aura acquis les droits d’adaptation des aventures de Tintin qu’en 1984, soit juste un an après sa mort. Il aura donc fallu près de trente ans pour que l’idée accouche enfin.
Cinéma oblige, le film n’est pas un miroir particulièrement fidèle : si l’apparence des personnages est particulièrement bien rendue compte tenu de la difficulté d’une telle adaptation (seul Milou fait un peu parent pauvre), le scénario a du souffrir quelques modifications. Déjà, ce ne sont pas moins de trois albums qui ont servis de source d’inspiration : du Crabe au pinces d’or au Secret de la Licorne et sa suite Le Trésor de Rackham le Rouge, Spielberg a du broder entre les histoires afin d’obtenir une longueur suffisante pour tenir le film. Quant aux scènes d’action, elles ont également du être revues à la hausse pour contenter le public des salles obscures. La seule vue du capitaine Haddock avec un lance-roquette entre les mains à d’ailleurs du faire frémir d’horreur de nombreux fans, mais qu’ils se rassurent, Tintin garde sa légèreté et sa fraicheur, et prend garde à ne pas tomber dans le cliché hollywoodien du héros aux gros bras.
Et force est d’avouer que cette transition du monde des bulles à l’animation est une réussite exemplaire. Sans renier ses valeurs, Tintin se renouvelle agréablement, et nous entraine dans des aventures au rythme soutenu et à l’humour bien présent. Concis, efficaces et bien joués, les dialogues remportent une mention particulière, parvenant à déclencher le rire à chaque trait d’humour. Mais malgré toutes ses qualités, le film ne serait pas complet sans la technique. Encore une fois, la WETA, le désormais célèbre studio d’animation de Peter Jackson, accomplit des prouesses. Techniquement, le film est une réussite sur tous les plans. Dépendant de la technologie dite de performance capture déjà éprouvée sur la Planète des singes : les origines, les modèles 3d parviennent à transcrire un véritable jeu d’acteur. Pour les décors, même les plus complexes comme ceux mettant en scène de grandes quantité de fluides, le rendu est parfaitement photo-réaliste, ne souffrant d’aucun manque de détails face à des décors réels. Une véritable prouesse donc, qui met en exergue les richesses du film.
Sur tous les plans, cette première adaptation des Aventures de Tintin est une réussite qui devrait mettre d’accord nouveaux spectateurs comme lecteurs de la première heure. Pour peu que le public américain se montre aussi réceptif au charme du reporter à la houppette, nous pourrons donc attendre en toute confiance sa suite programmée, Tintin : le temple du soleil, où Peter Jackson remplacera Spielberg à la réalisation.